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Je repense à ce 14 juillet sanglant de Nice, choquant pour la plupart d’entre nous, pour vous comme pour moi. Comment un individu peut-il délibérément semer la mort en écrasant minutieusement et de façon préméditée le corps désarmé de personnes qu’il ne connaît pas, qui lui sont indifférentes, qu’il n’aime ni ne déteste a priori, et que finalement personne ne l’oblige à côtoyer à part lui-même ? Selon moi, il y a une haine épaisse à l’égard de la vie dans son ensemble, une négation active du principe de vie en général, et qui dépasse largement le bourrage de crâne ou les propagandes religieuses. Dans cet exemple, il ne s’agit plus d’ouvrir les hostilités et d’engager un conflit, j’aurais plutôt tendance à penser que nous pénétrons avec ces logiques d’attentats le cœur d’une exécration et d’une aversion intense envers le principe de vie. À chaque fois qu’une forme sectaire, qu’elle soit musulmane, chrétienne, satanique, politique, scientifique, philosophique, mystique ou autre… pousse à l’extrême les écrits, nous aboutissons à la négation du principe de vie.
Ces attentats nous confrontent à une pathologie sociale : celle d’une haine déstructurante et déshumanisante, dont l’arme principale est la perversion sous toutes ses formes, toutefois, je crois que les Daesh & Co ne sont que des prétextes à épancher cette haine prisonnière d’une pensée immobile pétrie de certitudes. De tels groupuscules pourraient bien n’être que les papiers absorbants d’une négation collective du principe vital trouvant dans ces structures un support prêt à l’usage, c’est-à-dire un mode d’expression parmi d’autres. Pour le dire autrement, ce sont des kleenex récupérant les cellules mortes du corps social. Les Daesh & Co sont des prêts à poster vendus à la criée des croyances à tous ceux qui nient la puissance de vie et ses renouvellements. Ce ne sont peut-être que des catalyseurs, mais ces catalyseurs revêtent bien des costumes, étant entendu que tous ne se définissent pas comme un État, ainsi que c’est le cas avec Daesh.
Quitter la haine c’est entrer dans la vie, et entrer dans la vie c’est accepter son mouvement incessant, duquel toute pensée conformiste et figée est exclue. La haine est toujours un état intérieur figé, immobile tournant en cercle clos psychologiquement, intellectuellement et spirituellement. Et, lorsqu’elle ne parvient pas à s’émanciper de ce cercle, elle se transforme en fanatisme, en torture, en meurtre, en génocide, en viol ou de toutes autres façons. Chacun connaît, plus ou moins, ce sentiment si humain et naturel. Celui qui dit ne pas le connaître n’a probablement pas pris de rendez-vous très profond avec lui-même, car si cette haine existe à l’extérieur de nous c’est qu’elle est déjà en nous sous une forme ou une autre, plus ou moins endormie. Chacun peut avoir, à un moment donné de son existence, besoin de l’expurger, sans pour autant recourir à l’oppression ou au fanatisme.
Tout comme le catalyseur est une substance augmentant la vitesse d'une réaction chimique, j’ai tendance à penser que ces groupuscules, de type Daesh, organisés en armées de morts ne font que racoler, puis amplifier, une haine que le corps social sécrète pour différentes raisons… Haine autour desquelles il convient de s’interroger intensément, si nous voulons espérer nous défaire de ces violences sociales. Une fois que la haine est installée chez un individu, il suffit de le maintenir dans l’ignorance ou bien dans l’information mensongère et idéologique, pour qu’elle se solidifie. Combattre le terrorisme par la loi, l’armée, la police aux frontières ou dans la ville est une chose légitime et importante, mais il faut aussi s’attaquer aux raisons profondes qui font que nous produisons collectivement cette haine à l’égard de la vie. Avant d’espérer la comprendre dans le cadre d’un terrorisme international, pour lequel je suis par ailleurs convaincue que nous n’avons que les informations que les médias sont autorisés à livrer, commençons par l’observer sur le pas de notre porte. En nous-mêmes, en sortant dans la rue ou en franchissant une frontière à l’occasion d’un déplacement dans un pays voisin. Il peut arriver que cette haine ordinaire croise notre chemin, d’une autre façon, sans tapage médiatique, se nichant dans le silence des cultures et des traditions : c’est cela que j’appelle la barbarie silencieuse. Regardons ! Demandons-nous si elle est si différente de celle dont nous parlent publiquement nos médias à renfort d’annonces, d’articles, d’alertes, d’émissions spéciales et de flash infos.
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