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Ainsi, ce que chaque personne pense, fait, projette, résonne ailleurs et bien au-delà de ce que nous sommes. Dans cette perspective, faire de la sociologie consiste à se rapprocher de la célèbre Noosphère dont parlait T. de Chardin, et qui se définissait comme une « sphère de la pensée humaine », le psychisme humain nourrit la sphère planétaire (Noosphère). J’ai tendance à dire que la conscience collective est à la sociologie ce que la Noosphère (noos = psyché, âme, esprit, pensée, conscience / sphère = corps limité par une surface ronde) est à T. de Chardin, c’est-à-dire quelque chose qui enveloppe notre planète et qui est composé de la masse des informations provenant des êtres vivants couvrant la surface du globe, et qui crée de l’organisation sociale. La différence majeure étant que, contrairement à T. de Chardin dont les analyses questionnent in fine la spiritualité de l’Homme, la sociologie s’en tient à l’objectivation scientifique des faits et des comportements sociaux.
Ce que la sociologie est... n’est pas En premier lieu, évitons une confusion fréquente : non, la Sociologie n’est pas la Psychologie ni l’Histoire, ni la Philosophie. N’étant moi-même ni psychologue, ni psychiatre, mon travail ne consiste pas à analyser le fonctionnement psychique d’un interviewé dans ses aspects subjectifs, affectifs et cognitifs, voire dans une éventuelle psychopathologie. N’étant pas historienne des mœurs ou des événements ni une artisane des archives, mon travail n’est pas non plus de confronter les expériences ou propos d’un interviewé ou d’un récit aux faits historiques ayant pu influencer ou paramétrer ce même récit, sauf si cela a une fonction précise. La sociologie n’est pas non plus la philosophie, car la philosophie n’est pas une discipline scientifique basée sur des protocoles d’enquête ou des méthodes de collecte des données, elles reposent toutes deux sur des règles du jeu différentes. Disant cela, je ne veux pas signifier qu’il y a une barrière infranchissable, tout au contraire, car je les crois complémentaires, toutefois il me semble bon de ne pas les confondre les unes et les autres au départ. Vous comprenez mieux ce que n’est pas mon travail, mais quel est-il ? Il consiste à montrer de quelle façon les expériences vécues dans l’intimité d’un sujet résonnent avec l’expérience, les mœurs ou les chamboulements de la conscience collective , c’est-à-dire de quelle façon les ‘expériences-récits’ tombent (ou non) en congruence ou se relient avec ce qui est dans l’air du temps, et qu’on appelle la postmodernité. Autrement dit, ce que je lis, ce qui m’est narré, voire ce que j’observe à travers une enquête de terrain est toujours rapporté à quelque chose de plus large que ce que la personne me raconte. Pour moi, la question majeure est toujours : quel est le sens social profond, voire le sens épistémologique (connaissance) découlant de ce qui m’est conté ou de ce que j’observe lors de mon enquête de terrain. Mon analyse va désindividualiser le récit qui m’est fait, afin de le replacer dans une toile de fond plus large que la personne prise isolément. La question persistante du sociologue est : au fond, que m’apprend sur le fonctionnement du corps social global ce que je lis, j’entends ou je vois ? Quelles informations puis-je extraire de ce qui m’est rapporté et dans quelle mesure est-ce que cela permet d’éclairer tel ou tel pan de l’expérience collective ? ...Expérience collective que d’autres nomment l’âme collective.